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30 mai 2007 3 30 /05 /mai /2007 16:19
Carine Russo (Ecolo):"Je reprends le fil de ma vie" PDF Print E-mail
par Laurent Arnauts   
Monday, 21 May 2007
C'est tout de même curieux: alors que finalement, après plus de dix ans de combat citoyen et judiciaire, Carine Russo se décide à embrasser une carrière politique, certains médias semblent s'employer à la "people-iser". Comme si ce parcours s'expliquait par sa seule notoriété médiatique, à l'instar de telle ou telle présentatrice de journal télévisé. Pourtant, peu de professionnels de la profession d'homme politique peuvent se flatter d'avoir exercé une telle influence en faveur de réformes profondes, dans la Loi et dans les mentalités. Pourquoi, comment? Retour aux (vraies) sources, parfois douloureuses mais aussi porteuses d'un formidable espoir, d'un engagement qui risque de faire date, malgré une 14e place "de combat".

Il y a plus de 10 ans, vous vous êtes fait connaître par un combat individuel, pour connaître le sort de votre enfant enlevé, Melissa, qui est devenu au fil du temps un combat citoyen pour davantage de Justice. Pourquoi ce pas vers la politique, maintenant?


En fait j'avoue que j'ai agi sous le coup d'une impulsion, en répondant positivement à la proposition qui m'était faite par Ecolo. Je sortais d'une période de trois ans, pendant laquelle j'avais essayé de me reconstruire après dix années de déceptions essuyées, de la part des institutions judiciaires et des institutions politiques. D'autant que j'ai également, durant cette période, dû subir d'autres coups durs importants d'un point de vue personnel, outre le procès. Tout cela remettait vraiment en question toutes les bases mêmes de l'être humain que je suis. Il a fallu que je cherche vraiment très très loin au fond de moi en quoi je croyais encore... Et dans un premier temps, mon fils, ma famille, mes proches, tout ce qui m'entourait étaient mes moteurs, mon lien avec la vie.

Est-ce qu'au cours de ce long combat, vous avez à l'un ou l'autre moment songé à "en finir"...?

Oui, à un moment donné l'on songe à cela. (réfléchit) Cela n'a pas duré longtemps, juste un moment. Cela n'a pas duré longtemps, justement parce que je savais que je n'étais pas seule, et que je ne pouvais pas infliger cela à ceux qui étaient toujours autour de moi. Mais j'ai laissé passer ce moment, j'y suis vraiment entrée... (hésite) Quelque-chose dans le passage à l'acte ne s'est pas... n'a pas pu se produire, ne s'est pas produit. Et à partir de ce moment-là, alors que je ne voulais plus que cela, et que cela ne s'est pas fait, qu'est-ce qui m'en a empêché...? Ce mauvais moment est passé, et maintenant je sais que je ne le ferai plus jamais, que quelque chose de très fort continue de me relier à la vie. Je me suis reconstruite, j'ai reconstruit ma vie à partir de cela. Quelque chose qui m'a semble plus fort que moi, finalement, plus fort que mon désespoir.

C'est cette reconstruction qui continue maintenant sous la forme d'un engagement politique?

Sans doute, puisque quand je dis que je me suis reconstruite, c'est que pas après pas je me suis sentie de mieux en mieux, jusqu'à ressentir quelque chose qui ressemblait, oui, à du bonheur. Du bonheur que je n'arrivais plus à éprouver avant... C'est à ce moment-là que je me suis remis à y croire, voyant que je pouvais revivre cela, ressentir cela, me sentir heureuse malgré tout mon passif. Je me suis sentie à nouveau dans la vie.

Vous en étiez arrivée à penser que cela vous était à jamais interdit?

Oui, c'est cela. Je pensais que j'allais vivre cet enfer jusqu'au bout, mais jusqu'au bout de quoi? Et puis voilà: des événements heureux se sont succédés, j'ai retrouvé ce goût, le goût de la vie. Et puis au moment où je me suis vraiment sentie arrivée, arrivée à une certaine sérénité, un certain bonheur retrouvé, cela correspondait presque au moment où Ecolo m'a demandé d'entrer chez eux. Cela m'a même déstabilisé un peu, car après m'être reconstruite, j'avais peur d'aller à nouveau me faire du mal. Et en même temps, je me rendais compte que je vivais tout de même un peu dans une bulle, bien protégée dans ce petit bonheur retrouvé, au milieu de mes amis et de ma famille. Une protection et un bonheur que je m'étais recréés, mais plus en liaison avec le monde extérieur, avec les autres, ou alors seulement avec les gens qui m'avaient apporté quelque chose dans cette reconstruction, leur propre bonheur par exemple. Les gens heureux vous apportent beaucoup, en fait. Et les gens heureux sont ceux qui n'ont pas de problèmes. Et je les remercie. Je suis contente d'avoir été entourée de gens heureux qui n'avaient pas de problèmes, mais je me rendais tout de même compte que vu notre passif, je ne pourrais pas rester indéfiniment comme cela. Il subsistait ce décalage entre ces gens heureux, qui n'ont pas connu le malheur, et moi. Leur objectif était de nosu changer les idées, et moi je me suis complètement laissé entraîner là-dedans, parce que effectivement cela m'a apporté quelque-chose pendant un moment. Jusqu'au moment où j'ai senti que j'étais bien là-dedans, mais que j'étais comme anesthésiée. Car mon passé continue d'exister, je continue à le porter avec moi, malgré tout. Quand j'ai dit oui à Ecolo, c'était comme reprendre le fil de mon passé, dans le présent, relier à nouveau les deux. On dit toujours que la page est tournée, mais non, ce n'est pas vrai. C'est un peu comme quand on pose un livre lors d'un passage trop dur à lire, pour le reprendre plus tard. En lisant "Les bienveillantes" de Jonathan Litell j'ai aussi dû m'arrêter à plusieurs reprises, et me changer un peu les idées avant de continuer. C'est un peu ça.Donc, en disant "oui", j'ai en quelque sorte retrouvé une cohérence par rapport à moi-même.

Est-ce que avant, vous avez ressenti un certain enfermement dans le regard des autres, d'être toujours vue et considérée "comme"...?

Oui, comme le mère de la victime de Marc Dutroux. Cela a commencé avant le procès, lorsqu'on avait de plus en plus de difficulté à exprimer pourquoi nous ne voulions pas y prendre part. De difficulté, non seulement parce qu'on commençait à être usés, mais aussi parce qu'on avait de moins en moins d'accès à la parole. On ne nous laissait plus parler. Il ne fallait pas qu'on puisse expliquer en profondeur les raisons pour lesquelles on n'allait pas au procès. Et en même temps, on s'était en quelque sorte résignés, Gino et moi, se disant qu'on allait "les laisser faire" ce procès, parce qu'il fallait bien qu'il ait lieu, finalement, on ne pouvait pas rester éternellement dans cet espèce de no man's land qui ne correspondait plus à rien, dans cette enquête qui n'en finissait pas et qui ne reprendrait plus jamais le bon sens.

Quelle a été votre réaction lors du verdict?

Lorsque la "vérité judiciaire" a été prononcée, cela n'a pas été évident du tout pour Gino et moi de garder la distance, on a ressenti le besoin d'être le plus loin possible, c'est pourquoi nous étions partis en Inde, pour rester "sereins", si l'on peut dire, par rapport à tout ça.

C'est peut-être l'occasion de le dire, à ceux qui n'auraient pas compris ou auraient oublié: pourquoi vous n'avez pas voulu être présents à ce procès? Est-ce que vous pensez avoir eu raison d'agir ainsi?

Oui, on continue de penser que nous avons eu raison, nous sommes très contents de ne pas avoir été là. D'autant plus que ce que nous avions prévu que la finalité du procès serait, s'est réalisé très exactement: la fable d'un couple de pervers isolés, présentée comme une vérité judiciaire. Et une vérité judiciaire, à moment donné, devient une vérité historique, s'il n'y a personne pour la contredire. Or, contredire une vérité judiciaire, c'est compliqué, puisqu'on ne peut pas aller très loin...

Théoriquement, il reste le fameux dossier "bis"...

Il reste effectivement, mais on savait déjà bien avant le procès que plus personne n'avait envie de s'en occuper, il n'avait pas bougé pendant des années. Et on ne peut pas reprendre ce genre de dossier si longtemps après l'avoir laissé traîner, avec le juge qui n'en veut pas, et qu'on n'arrive pas à faire bouger pour accomplir des actes d'instruction qui ne l'intéressent pas. Chaque fois qu'on a essayé de l'obliger à accomplir des actes d'enquête, il les a fait à contre-coeur et les a bâclés. Donc c'était devenu impossible d'avancer, d'espérer arriver à quelque chose.

Le procureur du Roi Michel Bourlet a fini par baisser les bras également?

Oui, je suppose, puisqu'il est trop seul à présent. Il aurait besoin de parties civiles, d'avocats qui en veulent aussi. Or, il n'y en a plus, elles ont toutes disparu après le procès, même celles qui avaient dit qu'elles continueraient. Nous n'y étions pas, et nous ne continuions plus, mais c'était clair, nous avions annoncé que nous arrêtions tout.

On peut donc dire, aujourd'hui, vous ne savez toujours pas comment, ni pourquoi, ni à l'intervention de qui les choses se sont passées?

Voilà. Et d'une certaine manière, la Cour d'Assises l'a reconnu, mais l'information qui a été délivrée au grand public est inverse. C'était un procès extrêmement médiatisé, et pourtant on a fait oublier qu'on n'a pas reçu de réponse. La plupart des gens se disent que les deux pervers isolés sont en prison pour longtemps et que c'est réglé. Nous n'avons pas participé parce que nous savions au départ que ce genre de réponse simpliste serait délivrée, et effectivement on a réussi à faire avaler cette histoire de monstres à la population, comme a de petits enfants.

Ce combat-là il a donc en quelque sorte été perdu, puisque vous n'avez pas obtenu la réponse que vous espériez, que vous étiez en droit d'obtenir. Mais ce n'était pas le seul, puisque là-dessus s'est greffé un combat citoyen. Et là vous avez tout de même réussi à faire énormément bouger les choses? Avez-vous conscience du rôle que vous avez joué?

Oui, on en a conscience tous les deux, Gino et moi, et nous en sommes contents. Quand on se retourne sur ce que nous avons obtenu, grâce évidemment à l'attention que nous portait la société civile - car il a fallu se battre pour se faire une place dans les médias, pour avoir droit à la parole, on l'oublie aujourd'hui. Nous avons dû nous battre pour ça, pour pouvoir nous exprimer nous-même sur ce qui nous arrivait. Petit à petit on a réussi à faire passer certaines choses, et on a fini par être soutenus. C'est ce soutien qui nous a permis de continuer, de nous battre pour certaines choses, jusqu'à avoir des revendications qui étaient déjà clairement politiques, même si les gens ne s'en rendaient pas nécessairement compte. Je pense à la réforme de la justice, le projet Franchimont, la dépolitisation de la magistrature... ce sont des choses dont on a discuté dès 1995, pendant la disparition des petites, en face à face avec le ministre de la Justice de l'époque, Stefaan De Clerq. Des choses se sont réalisées, et on s'est rendu compte que la justice manquait de moyens... enfin, le grand public s'en est rendu compte, car au sein de la magistrature et du monde politique on le savait évidemment depuis des années, et on faisait un peu semblant, il fallait quelqu'un qui puisse interpeller avec le soutien des gens. Cela n'a pas été jusqu'où on espérait, mais quelque chose tout de même a avancé, oui.

Pour vous, cela s'est passé comment, cette prise de conscience "politique", elle a commencé lors de la disparition des enfants?

Pour ce qui concerne la justice, oui, cela nous est tombé dessus alors que nous n'avions vraiment aucune expérience aucune expérience personnelle en la matière, on ne savait rigoureusement rien, pas même ce qu'est un procureur du Roi... On a dû tout apprendre sur le tas. Et il a fallu apprendre très très vite, car tout était extrêmement urgent, il fallait comprendre dans quoi on était puisque les membres du monde judiciaire et policier étaient nos interlocuteurs principaux pour retrouver les petites.

Et c'est de là qu'est venu votre conscience politique, ou c'est antérieur?

La conscience des manquements judiciaires et policiers, et leur prolongement politique, oui, mais notre conscience politique à tous deux remonte à... avant notre rencontre. Car au départ, quand nous nous sommes rencontrés, nous avions finalement très peu de choses en commun. (sourit) Si nous n'avions eu que notre attirance l'un pour l'autre, au départ de nos cultures différentes, si nous n'avions eu que ça, je ne sais pas si on aurait pu être le couple soudé qu'on est et qu'on est resté pendant toutes ces années. Cela fait tout de même vingt-cinq ans qu'on est mariés, et presque trente ans qu'on se connaît. Je crois que ce sur quoi nous nous sommes trouvés tout de suite, aussi jeunes que nous étions, c'est que nous avons découvert, chacun l'un chez l'autre, que nous avions une conscience politique.

C'était à quel âge?

(sourit) Moi j'avais seize ans, lui dix-huit. Donc en fait, nos premiers sujets de conversation, ceux qui nous ont permis de nous découvrir, tournaient déjà autour du fonctionnement de la société...

Et à l'époque, dans les années '70, c'était quoi qui vous préoccupait?

A l'époque, j'étais encore étudiante, je commençais à entrevoir les problèmes de l'enseignement. Lui venait d'entrer à l'usine, à Cockerill. Il a connu, dans son monde ouvrier à lui, les premières grandes grèves de l'époque, au début des années '80, et il en était. Nous apprenions le monde, et nous étions très ouverts sur ce qui se passait dans nos milieux respectifs. Nos échanges portaient là-dessus.

Cela s'est également traduit, à l'époque, par un engagement ou une tentative d'engagement politique?

Non, nous n'avons jamais fait partie d'un mouvement politique, nous n'avions pas vraiment de références, nous n'avions que nos propres pêtites expériences, que nous-mêmes. C'est toute seule que j'ai découvert, à seize ans, le journal "Pour". Mon père lisait le journal tous les jours, il était féru d'info, donc dans la famille c'était motivant, mais je n'accrochais pas vraiment au journal "Le Soir"... Donc j'ai découvert "Pour" qui me semblait s'adresser à moi, aux jeunes. Cela m'enthousiasmait, j'ai commencé à en acheter plusieurs numéros pour le distribuer, pour le faire découvrir aux profs à l'école... Ce journal a été ma première et seule formation politique (rires). Mais après, j'ai conservé le goût de m'intéresser à l'actualité, avec une certaine vision des choses.

Gino, lui était actif au sein du syndicat...

Oui, parce que le syndicat l'avait repéré: il était très convivial et solidaire, et aussi jeune qu'il était, dès qu'il arrivait quelque chose à l'un de ses collègues, il le défendait. Pourtant, il était encore stagiaire, qu'il osait déjà se porter à la défense des autres, alors qu'il risquait d'être viré. Mais voilà: c'était plus fort que lui. Il est ainsi, mais cela tient aussi à ses origines: les immigrés italiens, pour faire leur place, pour s'intégrer en Belgique, ont dû être très solidaires. Il n'a jamais connu que ça, c'était naturel chez lui.

Donc, même si vous ne connaissiez rien à la Justice au moment où vous y avez été confrontés, vous saviez déjà comment le monde tourne...


Oui, même si nous sommes du bon coté de la planète, si j'ose dire: en Occident, dans un Etat démocratique, où on est censé jouir d'un maximum de droits humains et d'acquis sociaux. Mais ce qu'on appelle "acquis" ne sont pas des choses acquises, en réalité: il faut y veiller tout le temps. On s'en est rendu compte dans notre quotidien, au jour le jour: si on n'est pas vigilant par rapport à ces droits et à ces acquis, en un jour, un mois, un an, on peut déjà voir les choses se dégrader. Donc il est évident que c'est une forme de combat, mais de tout instant.

Donc finalement, votre engagement politique n'est qu'un paradoxe, une contradiction apparente mais inexistante en réalité: autant vous avez été critiques envers les institutions, autant vous avez toujours cru à la politique...

Nous n'avons jamais remis en question la démocratie elle-même, parce qu'il était inimaginable pour nous de remettre en question tout ce qui a été construit patiemment, au fil des siècles, c'était hors de question. Toutes les bases sont bonnes, mais lorsqu'on voit qu'elles sont dévoyées, utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été créées, on estime qu'il faut tirer la sonnette d'alarme.

Et pourquoi avoir attendu si longtemps, finalement, pour cet engagement politique? Cela ne vous a-t-il pas traversé l'esprit de le faire plus tôt? A plusieurs reprises, vous avez été signalés à des activités d'Ecolo...

Oui, nous sommes allés à l'assemblée générale d'Ecolo de 1999, parce qu'à l'époque ils m'avaient déjà approchée pour que je sois candidate. Mais nous étions alors bien loin de la fin de notre parcours judiciaire, je l'ai pris avec plaisir, comme une reconnaissance, mais c'était inimaginable. Mais, en participant à cette assemblée, nous avons voulu montrer de quel bord on était, pour leur apporter, par notre présence, une visibilité supplémentaire et un soutien. Car la crise de la dioxine a apporté le dernier coup de pouce, mais nous avions apporté notre pierre à l'édifice aussi, car notre visite avait été très médiatisée.

Et pourquoi ce parti la?

Parce que cela fait longtemps qu'ils sont sur la bonne voie, ou en tous cas qu'ils essaient de prôner un modèle de société qui va un peu à contre-courant de la pensée unique dans laquelle tout le monde s'est engouffré dans les partis traditionnels. C'est à contre-courant, parce qu'ils proposent de changer fondamentalement le mode de vie de la plupart des gens. C'est un peu comme les les autoroutes pendant les vacances: tout le monde veut aller au même endroit au même moment, dans les embouteillages. Alors qu'il existe d'autres destinations, et des petits chemins pittoresques...

Et quel est l'élément-clé de cette autre façon de penser la société chez Ecolo, pour vous?


Pour moi, c'est la protection de la vie en général. Quand on conçoit un nouveau rapport à l'environnement, ou une nouvelle façon de penser la solidarité, entre humains, entre générations, entre Nord et Sud, c'est finalement de la protection de la vie qu'il s'agit.C'est pour ça que c'est devenu pour moi un projet aussi crucial.

Qui va donc plus loin que l'engagement plutôt social que était le votre, avec Gino?


Qui va plus loin, oui, car on est vraiment au fondement de ce qui permet l'existence de l'humanité.

Au cours de ces dix années, quels sont les autres partis qui vous ont approché?

Gino a été approché par le PS, qui avait reconnu en lui une personne qui savait de quoi il parlait lorsqu'il évoquait le social et les luttes sociales. Mais moi je n'ai pas été approché par d'autres partis qu'Ecolo... (réfléchit) sans doute parce que je n'étais pas classable, déjà. Ils ne savaient sans doute pas trop où me situer. J'ai plutôt continué à attirer les gens plutôt d'extrême gauche, disons.

Ecolo est d'extrême gauche, selon vous?


Pour moi Ecolo est la seule gauche. (rit) C'est grave de dire ça, hein? Mais d'une certaine manière c'est le seul parti qui n'est pas à gauche que dans les discours et dans l'image, à l'heure actuelle. C'est un peu grave pour les autres, mais au niveau de leurs actes ils ne sont plus en cohérence.

Il y a d'autres mouvements à gauche de la gauche...

Oui, mais Ecolo est le seul à avoir pu faire preuve d'un certain pragmatisme, à être entré dans le paysage politique, et donc à devenir quelque chose de possible. Je sais qu'il y d'autres mouvements ou des petits partis, j'espère qu'il pourra un jour encore y avoir du nouveau de ce coté-là, mais les moyens n'y sont pas, pour mobiliser et conscientiser il faut des moyens, or les moyens sont du coté du fric, donc... Je crois qu'Ecolo a pu aller plus loin, parce qu'ils sont restés endurants et soudés, même lorsqu'on ne savait pas très bien s'ils étaient de gauche ou de droite, s'ils avaient seulement une conception politique.

Justement, par rapport au questionnement que le sénateur Ecolo Josy Dubié a lancé dans nos colonnes il y a quelques semaines à propos du positionnement d'Ecolo par rapport à la gauche, quel est votre sentiment? Vous avez été rassurée également par la réponse des instances d'Ecolo, ou peut-être n'aviez-vous pas du tout le même questionnement?

Non, je suis comme Josy, j'ai douté aussi: quand on donne, au niveau communicationnel, comme indication que Didier Reynders (président du MR, ndlr) est un copain, c'est vrai qu'on reçoit cela d'une façon bizarre. On peut comprendre que Jean-Michel (Javaux, secrétaire fédéral d'Ecolo, ndlr) se soit exprimé à titre privé, mais en termes de communication... Mais bon, les écologistes sont devenu des communicateurs, ils ont appris des choses. Se laisser d'une certaine façon, englober d'emblée dans la gauche les enferme dans le rôle de supplétifs du PS, ne leur laisse aucune marge de manoeuvre. En Belgique il n'y a que quatre partis, il faut tenir compte de cette réalité-là, et s'il y a moyen d'être plus performant pou faire passer ses convictions à un moment donné, en passant par d'autres alliance, cela fait partie de leur pragmatisme aussi.

Vous dites "leur"... une question vient naturellement à l'esprit: vous avez justement la réputation d'être une personnalité sans compromissions ni compromis. Comment allez-vous vivre l'inévitable confrontation directe avec la "politique politicienne"?ous avez dû y réfléchir?


Non, je suis en train d'apprendre cela! (rires). Dans un premier temps, ce que je sais et ce qu'ils savent, c'est ce que je ne pourrai pas changer sur ce que je crois fondamentalement et ce qui m'a donne envie de reprendre dune certaine façon un combat de fond, avec eux. Par contre, apprendre des choses sur la meilleure façon de parvenir à réaliser des choses, j'y suis prête. Et j'espère et je suppose qu'ils sont conscients que j'ai aussi des choses à leur apporter, c'est du "win-win", comme on dit...

Tiens, vous parlez déjà comme Didier Reynders!

(rires) Bon, disons "donnant-donnant", réapproprions-nous notre vocabulaire!

Jusqu'ici vous formiez un "tandem d'enfer" avec Gino, cela va-t-il continuer dans le cadre de vos activités politiques?

Oui, on discute toujours beaucoup évidemment. Lui reste à l'extérieur de la politique et moi je suis à l'intérieur maintenant, donc entre nous on se rejoue souvent la confrontation entre monde politique et société civile, à table! (rires) Donc j'écoute ce qu'il en pense et j'essaie de confronter cela à mon nouvel environnement.

En fait vous n'avez pas tout à fait la même sensibilité ni la même façon de communiquer, et c'est cette complémentarité qui a fait votre efficacité...


Oui, exactement, et ça continuera.

Comment concevez-vous pratiquement votre engagement politique: vous fixez-vous quelques objectifs précis à tenter d'obtenir?


J'ai une certaine expérience et une motivation, que je mets au service d'un projet global. Et j'apporte en plus, un petit peu de notoriété. J'estime que de cette façon là je serai déjà très active. Mais il es clair que j'aurai envie d'approfondir d'avantage certains domaines que d'autres. Cela dit, l'homme politique est aujourd'hui très dépendants des médias, et ceux-ci sont très dépendants du financier, donc c'est forcément plus difficile pour un petit parti de gauche comme les verts, qui propose quelque chose de différent. Ce qui implique selon moi, que dans un contexte où la démocratie a tendance à se déliter, il faudrait repenser fondamentalement le fonctionnement du média... enfin, le repenser, c'est déjà fait: encore faut-il parvenir à concrétiser quelque chose.

Et sur le plan politique, est-ce que, aujourd'hui, vous êtes prête à reprendre des coups? Et peut-être à les rendre, d'ailleurs? C'est inévitable en politique...


Je suis à la fois prête et pas prête. Je sais que c'est inévitable, mais si on me demande de les rendre d'une certaine façon, comme cela s'est toujours pratiqué en politique, je n'y suis pas prête. je ne peux les rendre qu'à ma façon. Et peut-être en dévoilement ma faiblesse, ce qui ne se fait pas couramment dans ce monde très masculin. Les choses évoluent, d'ailleurs: plus il y a de femmes en politique, plus il y a une certaine douceur, il y a une autre manière de résister. Montrer sa faiblesse, ça peut désarmer. Et on ne peut pas rester tout le temps dans des rapports de pouvoir qui impliquent de la violence. Les rapports de pouvoir, violents, qui existent au niveau des institutions ont inévitablement leur répercussion dans la société. On ne peut pas, par exemple, stigmatiser la violence des jeunes, quand on est au moins aussi violent dans le monde politique ou en tant qu'autorité

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